mercredi, mai 11, 2005

Yad Vashem

Le commandant de bord lance son leimotif:Nous espérons que vous vous sentirez chez vous, loin de chez vous!...Nous espérons que vous vous sentirez chez vous, loin de chez vous!
Nous étions 80 dans ce groupe sur les 8.000 visiteurs à Jérusalem cette semaine. J'avais peur des attentats , je ne suis ni pro-israélienne ni pro-palestinienne, aucune culture religieuse, c'est à dire si j'y allais à reculons, mais l'innocence assassinée m'a toujours troublée, alors que je crois au doigt de Dieu, une espèce de justice immanente, et je suis tombée dans un chaudron terrible, l'image de ma mère dupliquée par le nombre de femmes présentes (sauf les jeunes) à une caricature près, mais courage inclus. Je n'avais pas le temps de m'appesantir, il fallait se lever à 6h pour être au rendez-vous de tous les sites ou se commémorait la Shoah, beaucoup d'entre nous, les plus jeunes paradoxalement, ont pris froid, le soir. A Paris on avait insinué la petite laine pour les soirées, nous avons du prendre la couverture de nos chambres pour résister au vent, à la chute de température en altitude, à la dernière averse de la saison, et aux heures soit à piétiner devant la sécurité qui nous fouillait, soit à attendre l'arrivée des officiels en costumes cravates. Les caméramens s'en sont donné à coeur joie avec nos mines déconfites sous notre abri de fortune, imaginez une marée de couverture du plus beau brun sales des hôtels.Mais nous avions un phare , Paula la doyenne, 88 ans et cinq années de camps.Chacun se disait Ce que Paula peut supporter, nous devons le supporter. Et elle, fière de sa force sur ses trois jambes, les normales plus une canne, répétait, lorqu'on lui faisait le récit d'une atrocité, alors qu'on lui avait arraché sa fille, qu'elle n'avait jamais revue: Il n'y a aucun malheur qui puisse monter jusqu'au ciel! Là ou nous devions aller, elle était toujours devant. Le surprenant des témoignages en public de tous ces anciens déportés, ils étaient d'une simplicité lapidaire: Je suis parti de...par le train X...Arrivée à Z...Libéré le jour J...Aucun descriptif de ce qu'ils avaient subi, de leur état d'àme. Les documents n'étaient que trop explicites, l'indicible horreur. C'est la seconde génération, celle des "Enfants Cachés" qui était dans les larmes, devant l'insoutenable du sort de leurs parents.
Le Mur des Lamentations est blanc sous le soleil, mais un phénomène étrange se passe: au fur et à mesure que je m'avance, sa charge émotive est telle, que je suis étreinte par une douleur sans objet, je finis en pleurs, telle les femmes qui sanglotent le front appuyé contre la pierre. Quelques pigeons nichées par couples veillent aux dessus des têtes. Je n'avais pas de prière , j'ai laissé un petit mot: à toi Suzie! Ma soeur voulait m'y ammener, Tu verras c'est magique! Après je te fous la paix!
Le dernier jour j'avais trois heures pour retourner seule à Yad Vashem faire enfin une photo du Mur des Justes. Je n'aurais pu revenir à Paris sans avoir accompli cette mission, prouver aux descendants de ceux qui m'ont cachée durant la guerre que leur nom était gravé sur la pierre. J'ai du changer trois fois d'autobus, on m'avait dit de ne prendre que des taxis, mais je voulais savoir ce que c'était que la vraie vie pour le citoyen ordinaire, je fus à chaque fois guidée gentiment par quelques mots en anglais.
Chacune des cérémonies présidée par le gouvernement et les ressortissants de pays alliés étaient à égalité de sobriété, aucune faute de goùt, aucune anicroche , du beau travail de professionels.
Mais je ne pouvais regarder ces jeunes gens sans avoir envie de pleurer. Un ancien déporté me dit: Je compatis avec eux! De penser qu'ils étaient beaux, si jeunes si tendus par ces heures de haut risque, qu'ils étaient dressés pour faire de la chair à canon ou pour tuer, ils étaient, je l'espère , le dernier maillon d'une guerre larvaire.

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