lundi, octobre 13, 2008

"Touches noires"

Extrait

Cela faisait bien deux ans que je partais tous les matins m'engouffrer dans une de ces cavernes du boulot en plein centre de la ville, deux ans que je rentrais tous les soirs chez moi, en banlieue, vers neuf heures seulement. Bien sûr, ça me guillotinait toutes mes soirées mais qu'aurais-je pu objecter ? L'emploi n'était pas trop mal payé, le repas de midi on me l'offrait là-bas, je n'avais ni femme ,ni gosse à retrouver, puis quoi... rien ne serait jamais arrivé sans cette histoire du raccourci. Un raccourci, oui, car il y avait deux chemins qui tombaient en pleine gueule de ma maison : l'un assez long qui se tortillait, un peu bosselé par ci, un peu névrosé par là, entre deux houles de façades, l'autre bien plus court qui balayait les obstacles, passant à travers quelques champs vaguement moisis, à travers un cimetière ensuite, en ligne droite, d'une seule lancée. Les champs, le cimetière, culture de verdure ou culture de cadavres, ce n'étaient que des clichés en somme, clichés stagnants puisque je n'y pensais jamais et justement ce ne devint un drame que le jour où, pour la première fois, j'y pensai. J'imaginai très nettement les quelques flaques de terre enceinte, le cimetière et je trouvai soudain bizarre de ne jamais avoir eu l'idée de prendre ce raccourci.

Copyright © Jacques Sternberg et les éditions Cyrano

Information
"Le nom de Jacques Sternberg apparaît pour la première fois sur la couverture d’un livre en décembre 1948...

Eric Dejaegger

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