mardi, octobre 14, 2008

Théâtre du Temps Le Shagha Marguerite Duras

Le Shaga a été créé au Théâtre Gramont, le 5 janvier 1968, par Marie-Ange Dutheil, Claire Deluca et René Erouk, dans la mise en scène de Marguerite Duras, après cinq mois d'un travail exceptionnel qui a permis à la pièce de se développer et d'atteindre son accomplissement au fil des répétitions.


"J'ai apporté aux répétitions des canevas. Je fais, je défais, refais à mesure. J'ai l'impression d'avoir écrit une pièce, mais eux en ont appris cinq ou six " disait Marguerite Duras.



Dans Recommandations aux comédiens, elle écrivait cette phrase prémonitoire :
"Si la pièce doit agir dans le sens que je souhaite, ce ne sera peut-être pas tout de suite. Faites votre travail."


Extraits d'une répétition, septembre 1967, Neauphle-le Château (transcription de Claire Deluca) :

"Nous ne savons ni vous ni moi ce que vaut la pièce. Personne ne le sait. Vous vous lancez dans une aventure. Il faut l'assumer ou non. Si vous l'assumez, vous l'assumez à fond ou vous ne le faites pas. Vous comprenez ce que je veux dire? Bon.
Dire ce qu'est ce théâtre, je ne le sais pas moi-même qui l'ai écrit. C'est un théâtre tout à fait naissant, instinctif, qui a cette qualité première d'être, de commencer quelque chose.
Au fond de tout ça, il y a une intuition de l'absurde. Cela se place au niveau du langage. Ce sont de gens qui parlent et que la parole entraîne. Qu'est-ce qu'ils ont en commun? Une certaine folie.
Ils s'amusent énormément tous les trois. Ils sont impudiques et gais. Il y a dans tout cela une gaîté essentielle, un pessimisme très joyeux, un pessimisme qui a le fou rire. Leur mystère c'est cette faculté fantastique de fabulation qu'ils ont. D'où ça vient, ça? Si vous savez d'où ça vient, vous ne pouvez plus le faire"

M.D.

En 1978, elle dira, lors d'un entretien avec Lucien Attoun :

"Le Shaga est la chose la plus folle que j'aie jamais écrite.
C'est la négation du langage, c'est-à-dire qu'à partir du Shaga tout est remis en question, les mots les plus simples, les situations linguistiques les plus simples. La chose principale, c'est que c'est le langage le plus courant, le plus habituel, le plus concret et le plus quotidien qui est remis en question.
C'est une pièce ardue, une pièce sur le refus.
Il y a une provocation. Lorsqu'on attaque une institution, même celle du langage, on est dans la subversion. C'est une transgression, Le Shaga. Les gens ne sont pas assez libres avec le langage. Les gens sont englués dans le mode de se servir des mots.
C'est ardu à force de simplicité, à force de lisibilité"

QUELQUES AVIS SUR LE SHAGA

«Sorte de "happening". Théâtre en mouvement constamment recréé par la fusion fantastique entre les comédiens et l'auteur. Un théâtre d'une telle nouveauté qu'il s'affirmera nécessairement. Le rire provoqué ici par un humour sans cesse présent est, pour moi, de cette qualité qui doit être celle du théâtre moderne. »
Nathalie SARRAUTE

« A grands éclats de rire, de poésie et d'innocence souveraine, Le Shaga abat les murailles de mort. Duras est bien mieux que d'avant-garde : très loin en avant de tout et déjà à l'air libre.» . Claude ROY

Paru dans La Croix du 3 novembre 1978 :
« Ce triomphe de l'illogisme et de l'incompréhensible, c'est la revanche de l'absurde. On ne comprend pas, mais on rit ; on ne comprend pas, mais on aime…»
Dominique QUINIO


Interview de Claude Sarraute publiée dans Le Monde du 6 janvier 1968 :
« Le Shaga est une langue qui n'existe pas, que j'ai inventée. Je suis partie de mots cambodgiens, siamois et malais et j'en ai inventé d'autres.
C'est moins facile qu'il n'y paraît.»
Marguerite DURAS


THÉÂTRE du TEMPS
9 Rue du Morvan, Paris 11e
Métro Voltaire

1 commentaire:

P. P. Lemoqeur a dit…

Si vous voyez Clairette, soyez gentille de lui faire la bise de Paul et de J.T !