dimanche, mai 24, 2009

(18)*En sortant d’un compartiment du métro, j’oublie une sacoche contenant des dessous et un manuscrit destiné à Losfeld. Je tente de la récupérer en remontant en marche, mais j’y laisse une seconde sacoche avec diverses autres affaires. Si je préviens le conducteur dans sa cabine, peut-être qu’il téléphonera au terminus et l’on me rendra le tout. Mais voici que je suis poursuivie par une femme qui me retient fortement les poignets contre le portillon, au point de les briser. En lui échappant, je me couche sur le quai pour disparaître à ses yeux. Alors elle déverse un liquide acide qui va me brûler les reins si je reste dans cette position. Ses desseins sont nettement criminels. Il me faut donc la poursuivre, elle. Cela me conduit dans une espèce de boîte où visiblement l’assemblée n’est qu’un seul et même gang contre moi. Je me défends à coups de pieds dans les parties. Malheureusement, ils ont tous l’air d’être protégés par de l’acier. Ce qui me rappelle avoir essayé une bague taillée dans un matériau mystérieux que personne n’arrive à limer ni à faire fondre. Il doit s’agir du même acier. Les derniers arrivants, je les reçois aussi à coups de pieds aux fesses. Il me semble connaître l'un d'eux. Il me présente son derrière et s’assoit sur le talon de sa chaussure. Il doit être pédéraste et pas forcément ennemi.
Je refuse de répondre à qui que ce soit, quelles que soient les questions. Ma nouvelle attitude "muette" m’abstrait si bien des gens, même de ceux que j’aime, qu’il m’est naturel de les regarder s’approcher sans les voir. Il n’y a aucun mépris de ma part, simplement le désir de ne plus souffrir parce que je leur manque, ni parce qu’ils me manquent.
Il y a un manège en bois au milieu de la pièce. Une sorte de table ronde tournante, environnée d’un petit fossé rempli d’eau. Une petite fille se jette à plat ventre sur la table. Dans son élan, elle a provoqué la rotation du meuble. Son corps aspiré par la force centrifuge glisse vers le vide. La petite fille n’est plus retenue que par ses mains agrippées au bois lisse. Je crie « Martine, tiens bon ! » et dans cette danse folle j’arrive à l’attraper à bras-le-corps. C’est la seule phrase qui me soit échappée pour sauver l’enfant. Aussitôt après je retombe dans mon mutisme.
Un garçon petit, laid, m’enlace d’autorité. Son corps noueux et dur me surprend tellement par ce qu’il contient de violence, que je ne puis m’offusquer de son désir. Sans me poser une seule question, ni exiger un acquiescement, il m’entraîne dans un tango fabuleux, avec des passes à genoux, comme dans une arène. Notre accord est si parfait que tout s’abolit: désir, tristesse, amertume. Je suis simplement heureuse de danser, et je cherche du regard Nathan dans l’assemblée, pour qu’il puisse constater cette évidente plénitude, et en être un peu jaloux. Je ne vois pas mon cavalier, il est en dessous de ma tête, mais je lui souris, tranquille et sûre.
Vous m’apprenez que vous avez effectivement une liaison depuis trois mois avec cette jeune fille dont le nom vient d’être prononcé.
Il me semblait que durant ce temps nous étions heureux. Votre duplicité m’écoeure au point que mes poignets ou mes mains sont ouverts et saignent spontanément. Je songe que sans le vouloir, j’ai la solution. Ne rien faire, me vider en dormant.
Je me couche dans mon duvet de camping. Une lame de rasoir est restée accrochée à la couture du duvet. Je l’y laisserai, ajoutant un peu d’eau à l’intérieur car le tissu est imperméable. En dormant, j'agiterai les pieds qui seront blessés par la lame. L'eau empêchera la coagulation des plaies. Ainsi je glisserai du sommeil dans la mort, insensiblement, sans douleur.

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