dimanche, février 06, 2011

(99)*Je suis seule le soir sur ce tournage en extérieur. Pour voir du monde je monte au premier étage d’un bar connu où l’on peut dîner sur le pouce. La salle est toute en verrières et le panorama est très beau. Nous sommes face à la jetée, les bateaux de pêche sortent pour la nuit. Je n’entends pas leurs moteurs mais ils filent bon train, convergeant tous vers le même point au large. La lune, tel un projecteur puissant, éclaire tantôt l’un des bateaux, tantôt l’autre, l’isolant de son halo rond. On dirait une superbe mise en scène de cinéma. Aucun des rafiots n’a allumé ses petites loupiotes pour se guider. Les marins à l’avant préparent les nacelles. L’un d’entre eux a aperçu une tache sombre sur l’eau, il fait revenir son bateau par bâbord et à l’aide d’une grande épuisette, il pêche un poisson. Je suis surprise qu’il se donne la peine d’un travail à la pièce. La mer commence à s’agiter, comment vont-ils s’en sortir ? Une énorme lame s’approche, haute comme un mur venant en plein sud-ouest. Les bateaux ne font qu’une seule rangée, présentant leur profil face à la déferlante. Le rouleau se jette sur tous les bateaux à la fois, et ceux-ci ayant à peine pris l’eau se retournent comme de simples canoës. Nous aussi, dans notre cage de verre, nous commençons à gîter. Serons-nous capables, puisque la salle du bar est rectangulaire, de la même acrobatie ?
J’appelle Marie qui est en divorce et cherche un appartement. Je lui dis qu’à Paris c’est trop cher et laid.
Au dîner, vous êtes face à elle. C’est vrai qu’elle a le fin minois d’une Catherine Deneuve. Pourtant de profil je la vois boursouflée, elle est enceinte, « le drame, dit-elle, c’est qu’avec les restrictions qui vont venir, les mères n’auront de tickets afin de mieux nourrir le bébé que durant 102 jours. »
Je vous regarde, pour vous faire comprendre combien on l’a échappé belle de n’avoir pas eu d'enfants, lesquels seraient malheureux à l’heure qu’il est. Mais vous êtes totalement sans expression face à nous.

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