vendredi, mai 01, 2015

Les habitués de "Chez Willy"

On entre dans le bistrot, selon l'heure il y a l'un ou l'autre des habitués, il enfonce chaque jour le clou, débitant sa vie vraie ou fausse de façon à ce que les autres consommateurs entendent , pour ce faire il faut être juché sur un tabouret ou debout devant le bar, prenant en coin comme interlocuteur le patron en personne, lequel n'a pas l'air lassé de cette glose, entre deux verres à récupérer il jette judicieusement son grain de sel, et la salle rit, il y a de l'ambiance, chaque client y va de son petit couplet, il y a les nostalgiques de ceci ou cela, toujours bien informés, certains  avec des projets mirobolants dont on ne sait le vrai futur, il faut de l'argent pour consommer si l'on veut que le répertoire se dévide sans faire attention à l'heure, Willy très gentil allonge mon café avec un broc d'eau chaude, je reste assise, c'est bien ce qui trouble c'est que les habitués ont le temps, jamais pressés de finir leur verre, c'est le patron qui décide de la fermeture avec fermeté, il a femme qui attend, lorsqu'elle fait de rares irruptions, on bénéficie de son humour équivalent à celui de son mari, ces deux là se sont bien trouvés, alors que nous allons par deux entre copines ou copains, un ersatz de vie durant le temps du bistrot, certains amènent leur chien comme on exhibe une maîtresse, il y a du dialogue entre eux et la bête en profite pour renifler de partout un coreligionnaire,  on ne sait si c'est affectif ou sexuel, lorsqu'ils exagérent les propriétaires tirent sur la laisse, de quoi les rendre frustrés, mais comme leurs maîtres le sont, il n'y a que justice, je me suis fait mordre par un chiot sous la table parce que je discutais avec son homme, elle s'appelle Luna, elle a peine deux mois, comme quoi la jalousie n'a pas d'âge, Bref, tout ce petit monde fait mon quotidien entre-deux promenades de santé sur les planches et les heures de grands vents ou je veux quand même me défendre de la télé pour ne pas devenir addicte (mot à la mode) j'ai choisi une autre addiction, faire partie de ces habitués, pour avoir droit à leur bonjour quotidien, que ne doit-on pas entendre et dire, je m'en veux de ces confidences de circonstance afin de ne pas être seule à l'heure du loup, lorsqu'il n'y a plus aucun charme à traîner dans les rues. Nous sommes quasiment frères et sœurs dans cet estaminet, dans les divorces avec la vie, la seule différence est l'argent à y dépenser, la résistance à l'alcool, et ne pas trop ennuyer la galerie, afin de ne pas se faire vider, les femmes partent toujours les premières, il y aurait une casserole sur le feu, joli prétexte comme dirait Gaston, celles qui restent rient trop fort, c'est gênant on ne s'entend plus parler. Parceque je ne téléphone pas, mes copines de passage viennent voir si j'y suis, cela me donne un bon alibi d'être au bistrot sans passer pour une cougar, mais du coup, avec nos papotages je marche moins et cela n'est pas bien. A défaut de famille, on fait partie d'un club, celui des habitués, cela rassure faute de vrais projets de travail ou de vie, je suis HS, mais les beaucoup plus jeunes?

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